Histoire de la Médecine Chinoise en France

L’histoire de l’acupuncture en France est une très longue histoire qui commence dès le XIIIème siècle avec Guillaume de Rubrouk, ambassadeur de Saint-Louis en Mongolie. Elle ne prend véritablement de l’importance qu’à la fin du XVIème siècle où apparaissent les premières communications sur la médecine chinoise. Ce sont les médecins de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales et les Jésuites, de nationalités diverses, (Français, Hollandais, Polonais, Portugais), qui rapportent les premiers l’existence de pratiques médicales, curieuses, chinoises et japonaises, dont l’acupuncture et les Moxas.

Les textes chinois sont traduits en latin (de 1671 à 1680), ils constitueront la seule base documentée des médecins européens, de la fin du XVIème siècle et de tout le Siècle des Lumières. Mais la diffusion de la pratique de l’acupuncture, telle que nous la connaissons aujourd’hui, dans le milieu médical français commence véritablement pendant les années 1930 grâce à un ex-consul de France en Chine, Georges Soulié de Morant. À partir de ce moment l’acupuncture apparaît dans le milieu médical en se confrontant avec la médecine conventionnelle.

Au XVIIe siècle, l’acupuncture ne semble susciter qu’un intérêt somme toute anecdotique. Les premiers cas avérés d’utilisation clinique de l’acupuncture sont tardifs, n’apparaissant que dans la première moitié du XIXe siècle. Elle est alors pratiquée sans aucun lien avec le diagnostic selon les pouls, ni avec l’ensemble de la théorie médicale chinoise, et par conséquent les aiguilles, la plupart du temps, étaient placées in loco dolenti.

En 1816 paraît parmi d’autres un mémoire sur l’acupuncture où l’auteur, Louis Berlioz, le père du compositeur, explique comment il traita selon lui avec succès plusieurs patients en leur enfonçant dans le tissu connectif du ventre ou d’autres parties du corps des aiguilles à coudre. Autour de 1825, un véritable engouement pour ce l’on pensait être l’acupuncture prend corps. Les expériences se multiplient retenant l’attention du sinologue Jean-Pierre Abel-Rémusat. Des auteurs comme Morand, Dantu, Sarlandière qui préconise déjà l’électroacupuncture, ou Pelletan, exposent leurs observations et tentent d’expliquer le mécanisme d’action de la thérapie par les aiguilles qu’ils attribuent à la stimulation des nerfs. L’acupuncture s’invite dans les hôpitaux, et devient même à la mode durant quelques années à Paris. Balzac ne conseille-t-il pas aux maris, dans sa Physiologie du mariage, l’utilisation sur leurs femmes du moxa ou des aiguilles pour se garder des avances des « célibataires » ? Tout cela s’essouffle toutefois assez vite. 

Dans le contexte d’un renouvellement profond des bases de compréhension théorique de la médecine expérimentale de Claude Bernard ou selon Louis Pasteur, il n’y a que peu de place pour une pratique « exotique », venant d’un âge jugé révolu. Un ouvrage tel que La médecine chez les Chinois dû au consul français en Chine Claude-Philibert Dabry de Thiersant, paru en 1863, ne rencontre que peu d’échos. Il faut attendre plusieurs décennies et donc les années 1930 pour que se manifeste un climat intellectuel propice à un nouvel essor de l’intérêt pour l’acupuncture et à son implantation en France.

Depuis le début du siècle précédent, la médecine officielle, affichant sa scientificité, se tourne résolument vers un réductionnisme et une vision mécaniciste de la santé et de la maladie. La science médicale s’impose avec l’anatomo-physiopathologie, la médecine expérimentale, la bactériologie, faisant ainsi naître la figure du médecin-chercheur pour chacune des branches de la médecine. En accord avec les exigences de la recherche, l’attention de ces médecins a tendance à se porter plus sur les maladies que sur les malades. En dépit de cette tendance dominante, ou peut-être à cause d’elle, des médecins cliniciens s’intéressent au début du XXesiècle à des courants de pensée « alternatifs » à la médecine officielle : vitalisme, homéopathie, courant d’humanisme médical chrétien, néo-hippocratisme, et plus tard acupuncture. Parmi ces courants, le néo-hippocratisme va jouer un rôle fondamental dans la diffusion de l’acupuncture en France. 

Le néo-hippocratisme français se développe principalement chez les homéopathes. Des homéopathes (Thérèse et Marcel Martiny, Paul Ferreyrolles), des naturopathes, des médecins littéraires (les docteurs Laignel-Lavastine et Desfosses), des membres de l’élite médicale de Paris (les professeurs Carnot, Loeper et Leriche du Collège de France), de jeunes hospitaliers (Guy Laroche ou André Jaquelin), ou des professeurs de province (Delore à Lyon), tous participent activement aux congrès des néo-hippocratiques. 

Ce sont des médecins néo-hippocratiques qui, les premiers, témoignent de leur intérêt pour la médecine chinoise et la technique de soin par acupuncture. L’histoire de la diffusion de cette thérapeutique est ainsi jalonnée par les noms de médecins des années 1930 comme ceux de Laignel-Lavastine, Martiny, Leriche ou Lumière. 

Pour ce qui est plus particulièrement de l’acupuncture, elle est présente dans les années 1930 en France grâce à un engouement à l’époque pour l’exotisme et l’« orientalisme », et probablement du fait de la curiosité que pouvait éveiller la thérapie par les aiguilles. Au demeurant, l’acupuncture n’est à cette époque pas perçue comme une véritable « médecine », dotée de son propre savoir médical et d’un système d’interprétation cohérent du corps et de son fonctionnement, mais plutôt perçue comme un instrument de soin, peut-être chez certains médecins une théorie encore à construire, curieuse et parfois stupéfiante, une méthode qui n’avait rien à voir avec la médecine occidentale, et ce d’autant plus qu’en 1930 elle est enseignée et « pratiquée » par un non médecin, George Soulié de Morant.

L’inscription de la pratique de l’acupuncture dans le paysage médical français, telle que nous la connaissons aujourd’hui, s’est opérée au cours des années 1930, introduite par George Soulié de Morant, ex-consul de France en Chine. Dès lors, et plus précisément après la deuxième guerre mondiale, l’acupuncture est assimilée au corpus des techniques de soin français, mais non sans confrontation avec la médecine dite « conventionnelle » et son désir de scientificité.

La figure de l’expert acupuncteur

George Soulié de Morant est un personnage éclectique, polygraphe et non conformiste. Il est aussi le premier Français à s’être concrètement intéressé à l’acupuncture en Occident après l’avoir vu pratiquer dans le contexte de la médecine autochtone chinoise. 

Il est né en 1878 à Paris dans une famille bourgeoise. Il mène de brèves études qui lui permettent d’être embauché à 18 ans comme secrétaire de la banque Lehideux et ensuite de travailler pour la Compagnie du Sud-est africain. La Compagnie industrielle de Madagascar le recrute en 1901 pour ses connaissances de la langue chinoise et l’envoie l’année suivante en Chine comme interprète où il occupe le poste de secrétaire auprès de la Compagnie impériale du chemin de fer. Très rapidement il se passionne pour ce pays. Il devient non seulement bon connaisseur de la langue, mais aussi de « l’étiquette chinoise ». Son intégration dans la société pékinoise est aussi remarquée par le ministère des Affaires étrangères qui l’incite à quitter la Compagnie impériale du chemin de fer pour rentrer à Paris et préparer sa candidature à un poste de diplomate. Au cours de sa carrière, entre 1902 et 1917, il sera consul français en Chine. En 1917, il abandonne définitivement la carrière diplomatique. Cette décision détermine par la suite grandement sa vie professionnelle. 

La dizaine d’années passées en Chine et ses connaissances acquises lui seront en effet précieuses. Entre 1918 et 1929, George Soulié de Morant gagne essentiellement sa vie comme interprète en France, mais surtout comme auteur d’ouvrages sur la Chine. Jusqu’en 1929, le thème de l’acupuncture n’est cependant jamais abordé dans ses écrits. L’œuvre de Soulié de Morant traite certes de nombreux aspects de la culture chinoise, mais pas de celui-là. Il écrit sur la musique, sur la littérature, sur l’histoire de l’art, sur le droit, sur l’histoire et la géographie, sur Confucius, la grammaire mongole. Il sera également l’auteur de sept romans.

L’intérêt de Soulié de Morant pour l’acupuncture devient plus évident à la fin des années 1920. En 1927, c’est tout à fait par hasard qu’il rencontre le docteur Paul Ferreyrolles. Ce dernier se montre intéressé par ses connaissances, ses observations du traitement par les aiguilles et ses expériences menées pendant son séjour en Chine. Paul Ferreyrolles est attiré par toutes les médecines « non-conformistes » et traditionnelles. 

Cette rencontre et celles avec d’autres médecins néo-hippocratiques permettent à Soulié de Morant de se consacrer à son ambition de rendre accessibles, en les traduisant du chinois, tous les documents qu’il a réunis pendant ses années passées en Chine. La collaboration intense durant plusieurs années avec le docteur Ferreyrolles aboutit en 1929 à la publication d’un premier article sur l’acupuncture. Dès lors, il se consacre intégralement à cette tâche et peut enfin revendiquer son statut de « sinologue et acupuncteur. »

Ce tournant majeur de sa carrière, il le doit en grande partie à l’enthousiasme suscité auprès de certains médecins français, dont plusieurs étaient des homéopathes néo-hippocratiques, tels que Marcel et Thèrese Martiny et Paul Ferreyrolles. C’est surtout grâce aux docteur Marcel et Thérèse Martiny que, sous un contrôle sévèrement scientifique, l’étude de la vraie acupuncture chinoise a pu se poursuivre, s’affirmer et ne pas se détourner ou se fausser vers l’application aveugle de formules incomprises, avec résultats incertains et temporaires.

Cet enthousiasme se prolonge au fil des années, invitant Soulié de Morant à privilégier la pratique de l’acupuncture pour gagner sa vie. Il est néanmoins vrai que le succès de George Soulié de Morant comme acupuncteur est grandement facilité par son appartenance au cercle de médecins qu’il a fédéré autour de lui, comme d’ailleurs lui-même l’affirme dans son texte de 1934. 

Le contact avec des cliniciens lui offre par ailleurs l’opportunité de mener un travail sur les malades des hôpitaux. Soulié de Morant collabore avec Thérèse Martiny pendant quelques années. Lors de ces consultations, plusieurs médecins viennent assister aux séances pour apprendre l’art de soigner par les aiguilles que George Soulié de Morant met en pratique à l’hôpital Léopold-Belland, à l’hôpital Bichat, à l’hôpital Foch quelques années plus tard.

Autour de 1935, après avoir travaillé dans les hôpitaux aux côtés des médecins et après avoir avancé dans la traduction des textes chinois et japonais, George Soulié de Morant cherche à faire évoluer son statut de « documentaliste » des textes médicaux chinois vers celui de praticien de la médecine chinoise. C’est ainsi que Soulié de Morant exerce l’acupuncture dans le cabinet de Thérèse Martiny, mais sous sa surveillance. Sa clientèle est peu nombreuse au début, mais sa notoriété aidant, le nombre des malades qui s’adressent à lui augmente. Il compte parmi sa clientèle des célébrités comme le compositeur Maurice Ravel, les écrivains Antonin Artaud et Jean Cocteau, la psychanalyste Marie Bonaparte et le diplomate Maurice Peyrefitte. 

Cependant, le fait qu’il ne soit pas médecin met Soulié de Morant dans une situation difficile. Difficile parce qu’il est poursuivi pour exercice illégal de la médecine. Cette action en justice a pour origine un conflit avec l’un de ses élèves, Roger de la Füye, docteur homéopathe et acupuncteur. En 1951, de la Füye porte plainte au nom du syndicat des médecins contre George Soulié de Morant et tente de le faire poursuivre en correctionnelle pour exercice illégal de la médecine. Ce recours à l’arbitrage du tribunal ne dépasse toutefois pas le stade de l’instruction, évitant ainsi la tenue d’un véritable procès. Mais cet épisode affecte profondément Soulié de Morant qui, en 1955, meurt après trois années de lutte contre la maladie. 

La contribution la plus importante de Soulié de Morant à l’édification de l’acupuncture en France est publiée après sa mort, en 1957. De fait, après la guerre, il ne publiait plus d’ouvrage, mais seulement quelques articles, et ce sont son fils et sa fille qui éditent L’acuponcture chinoise, à laquelle Soulié de Morant avait travaillé pendant plus de vingt ans. Ce gros manuscrit en deux volumes reste indiscutablement son œuvre principale qu’il qualifiait lui-même d’aboutissement de toute une vie. Il le décrivait comme l’incarnation d’une approche scientifique qui pouvait parler des concepts médicaux chinois aux médecins occidentaux.

Ce livre n’est pas une simple traduction d’un texte chinois. Son œuvre a consisté à former tout d’abord un plan conforme à la logique européenne ; puis, pour chaque partie de ce plan, en donnant des citations littérales de nombreuses œuvres chinoises et japonaises, à opposer et commenter les différences que soixante siècles d’expérimentation ont pu révéler à la Chine et au Japon (lesquels ont toujours formé le tiers de l’humanité) ; enfin, toujours pour chaque partie, à mettre en lumière ce dont les expériences prolongées faites en France sous un étroit contrôle scientifique ont démontré l’efficacité, en apportant souvent une explication éclairée par nos conceptions physiologiques. Bref, à exposer scientifiquement la Tradition antique. 

Le registre de scientificité de sa version de la médecine chinoise s’appuie sur l’approbation et les résultats obtenus par des « médecins éminents » qui l’ont soutenu dans sa démarche. Les preuves de scientificité auxquelles il a recourt sont également fondées sur ses propres mises en pratique et observations de la théorie médicale chinoise durant plusieurs années de travail et de recherches.

Soulié de Morant, en tant que connaisseur de la Chine, et non en tant que médecin lui-même, pouvait se faire médiateur, passeur vers les médecins occidentaux de savoirs et de pratiques techniciennes issus de ses observations de la médecine chinoise. Ni médecin, mais connaisseur de la médecine ; ni Chinois, mais connaisseur de la culture chinoise, il pouvait valider la tradition chinoise en s’exprimant dans un langage recevable par les Occidentaux. De fait, George Soulié de Morant a pu affirmer ses connaissances et faire reconnaître ses compétences en réponse à une demande émanant des médecins eux-mêmes et d’une partie de la société française du début du XXe siècle, mais sans pouvoir aboutir à une position de reconnaissance formelle.

Malgré le dévouement de George Soulié de Morant à l’acupuncture et son immense travail de reformulation de la théorie médicale chinoise, cette pratique de soin venant de Chine ne trouve pas facilement sa place dans le milieu médical français. Pour devenir une discipline médicale enseignée dans les universités françaises et couramment pratiquée, l’acupuncture doit encore attendre des décennies de travail et d’affrontements entre les acupuncteurs français et les institutions publiques pour connaître une reconnaissance institutionnelle. De même l’élaboration d’un savoir théorique se fera après des années de réflexions et de confrontations entre les praticiens.

Notons enfin que, dans la deuxième moitié du XXe siècle, les médecins néo-hippocratiques s’effacent au profit des acupuncteurs qui eux prennent un essor de plus en plus important jusqu’à s’établir comme les détenteurs reconnus d’un savoir, faisant des émules au sein même de la communauté médicale entre la seconde guerre mondiale et les années 1990. Après la disparition de George Soulié de Morant, le travail des acupuncteurs restera largement inspiré par ses ouvrages ; c’est vrai aussi bien des médecins qui l’ont directement connu que de leurs continuateurs.

L’institutionnalisation des savoirs et des pratiques : la naissance des sociétés d’acupuncture

Les années 1944 et 1945 voient la naissance des deux plus importantes sociétés françaises d’acupuncture. Bien que l’acupuncture ait fait son entrée dans le monde médical français une dizaine d’années auparavant, la deuxième guerre mondiale a inévitablement perturbé sa diffusion et son expansion institutionnelle dans l’enceinte des hôpitaux comme au sein du secteur d’activité libéral. La première à voir le jour est la Société Française d’Acupuncture, fondée par le docteur Roger de la Füye, à laquelle fait suite la Société d’Acupuncture constituée par les médecins proches de Soulié de Morant, les docteurs Paul Ferreyrolles, Marcel et Thérèse Martiny, Hubert Khoubesserian, Paul Mériel et quelques autres. Ces deux sociétés resteront les deux pôles d’attraction autour desquels se tisse l’activité d’élaboration, de défense (de la Füye créa aussi le Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France), et d’enseignement de l’acupuncture française jusqu’aux années 1960.

La volonté de traduction et d’analyse des sources primaires en vue d’une confrontation des premiers travaux occidentaux sur l’acupuncture et la théorie médicale chinoise se manifeste particulièrement chez les médecins militaires qui ont séjourné en Indochine et qui se sont intéressés à la médecine observée sur place. Ce sont justement ces médecins qui se retrouvent à la Société d’Acupuncture pour discuter leurs expériences et leurs divergences vis-à-vis des différentes interprétations des textes. 

Docteur Albert Chamfrault, traducteur de textes médicaux anciens

Parmi ce groupe des médecins militaires, on trouve Albert Chamfrault qui, le premier après Soulié de Morant, se montre intéressé par la traduction des textes médicaux et cherche à puiser directement dans les manuscrits chinois. Il assure un rôle important dans la transformation de la pratique de l’acupuncture en France entre les années 1950 et 1960. Sa carrière de médecin militaire l’amène, après la deuxième guerre mondiale, à passer trois ans en Indochine. Entre 1954 et 1969 il publie les six tomes de son Traité de médecine chinoise avec la collaboration, pour le dernier de ces volumes, du médecin vietnamien Nguyen Van Nghi. 

L’intérêt croissant de la part de certains médecins acupuncteurs français à l’égard d’une démarche de recherche partant des textes médicaux chinois anciens a conduit à la construction d’un style d’acupuncture bien particulier et propre à la France, celui de l’« acupuncture traditionaliste française » dont le docteur Albert Chamfrault est l’initiateur. L’apport du docteur Nguyen Van Nghi révolutionne la conception de l’acupuncture en France. Nguyen Van Nghi est un médecin formé au Vietnam à la médecine conventionnelle française. La collaboration entre ces deux médecins qui perdure jusqu’à la fin des années 1960 contribue à l’édification d’une autre conception de l’acupuncture. Leur pensée sera diffusée par la suite par le Groupe Lacretelle, puis par le docteur Jean-Marc Kespi et des médecins proches. Entre 1970 et 1980, les travaux des médecins militaires Georges Cantoni et Jean Borsarello visent à fournir une justification aux perspectives thérapeutiques de l’acupuncture en poursuivant les travaux du docteur Niboyet. Parallèlement, il ne faut pas oublier que le RP Claude Larre, Elisabeth Rochat de la Vallée, Jacques-André Lavier, Charles Laville-Méry, Jean-Louis Blard ainsi que Jacques Pialoux ont infiniment contribué par leurs nombreux et inestimables travaux de recherches !

Dans cette même période se crée la SIA (Société Française d’Acupuncture), puis l’ANRPA (Association Nationale pour la Reconnaissance des Praticiens Acupuncteurs) puis la FNAT (Fédération Nationale des Acupuncteurs Traditionnels), le CREAT (Centre de Recherches et d’Etudes en Acupuncture Traditionnelle), dans les années 90, la FNMTC (Fédération Nationale de Médecine Traditionnelle Chinoise) puis le SIATTEC (Syndicat Indépendant des Acupuncteurs Traditionnels et des Thérapeutes en Énergétique Chinoise), l’UFPMTC (Union Française des Professionnels de Médecine Traditionnelle Chinoise) et enfin, en 2002, la création de la CFMTC (Confédération Française de Médecine Traditionnelle Chinoise)…

Pouvons-nous parler d’invention d’une tradition pour ce qui est de l’acupuncture française ?

L’importance accordée à partir de la moitié du XXe siècle par les médecins acupuncteurs français à l’interprétation des classiques de médecine chinoise a contribué à la construction d’une théorie médicale chinoise formalisée, faisant référence à un passé d’autant plus valorisé qu’il est ancien et extrait de l’évolution historique, donc jugé immuable. Cette interprétation et cette formalisation ont défini un savoir médical cohérent légitimant les médecins et praticiens acupuncteurs, restant fidèles à une approche traditionaliste de l’acupuncture. En même temps, en se définissant comme les détenteurs d’un savoir savant et très difficilement accessible, ils s’érigent en « gardiens de la tradition ». L’acupuncture traditionaliste française se conforme, de fait, au destin de toutes les traditions inventées. Elle évolue dans le temps en changeant de référence au passé qui l’inspire ; de plus elle se combine et se mélange avec la science moderne sans nécessairement perdre son statut de tradition comme nous l’avons vu chez les acupuncteurs « modernistes » qui travaillent pour une justification scientifique de l’acupuncture.

(Source : https://journals.openedition.org/dht/656#tocto1n6)