Si Shi ou les Quatre Saisons

 » La concentration alternée du yin et du yang produit les Quatre saisons.  » (Huai Nan zi, Ch.7)

Qi Bo dit à l’Empereur :

« Le Ciel nourrit l’homme par les Cinq souffles, la Terre nourrit l’homme par les Cinq saveurs ;
Les Cinq souffles pénètrent par le nez et se thésaurisent au cœur et au poumon ;
En remontant, ils font resplendir les Cinq aspects du teint et résonner puissamment les sons de la voix.
Les Cinq saveurs pénètrent par la bouche et sont thésaurisées par les intestins et l’estomac ;
Les saveurs sont thésaurisées dans les zang pour entretenir les Cinq souffles.
L’harmonieuse composition de ces souffles fait vivre ;
Les liquides corporels denses et légers se complètent parfaitement et les Esprits alors font vivre, naturellement.  » (Su Wen, ch. 9)

Le couple Ciel/Terre, le couple yin/yang, telle est la double formule de l’énergétique des souffles. Par les Quatre saisons sont convenablement répartis dans le monde les souffles qui créent et qui transforment les êtres éphémères que nous sommes. L’Astronomie et le Calendrier des travaux agricoles, le gouvernement du corps sain ou affecté par de mauvaises influences, le gouvernement des états avec ses six ministères, du Ciel, de la Terre, du Printemps, de l’Eté, de l’Automne et de l’Hiver, les décisions prises par les particuliers pour la conduite de leur vie intime, de leurs affaires de cœur, de leurs intérêts financiers, bref le champ total de l’entre Ciel/Terre est soumis à la médiation du temps qui lui-même n’est rien d’autre que le flux et le reflux du yin et du yang dans le monde.

 » Les Quatre saisons sont la Règle (les mailles du filet).  » (Huai Nan zi Ch.7)

Au sens large, les saisons sont quatre : le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. D’une manière plus fine, ces quatre saisons tournent autour d’un PIVOT : une dizaine de jours, situés autour du solstice d’été, qui forment une concentration d’énergie yang. Grâce à un tel pivot, les quatre saisons « tournent ».

Chaque saison est une concentration d’énergie : le changement de la qualité des souffles, du yang grandissant au maximum du yin, détermine le passage des saisons. C’est le mouvement du soleil (ri), qui en est le principe.

Ainsi, les signes annonciateurs de la future saison, le printemps, sont perceptibles dès le solstice d’hiver au moment où la Terre (yin) envoie au Ciel (yang) comme une sorte de grondement assimilé à un coup de tonnerre sourd. Ce signe indique au ciel que la terre, ayant achevé sa révolution annuelle, thésaurisé les Énergies de l’année écoulée, est prête à recevoir le yang venu du Ciel. A partir de ce moment, de cet appel, il faut que la terre observe la venue de deux nouvelles lunes.

Toute année chinoise commence invariablement à partir de la deuxième nouvelle lune après le solstice d’hiver. Le Jour de l’An chinois est donc mobile à cause de la lune, comme la fête de Pâques, et a lieu quelque part, selon les circonstances astronomiques, entre le 21 janvier et le 20 février. C’est donc à l’aube de cette nouvelle lune que le printemps débute, par l’activation du yin grâce au yang. Par exemple une graine (yin) sera réveillée par l’énergie (yang) pour pousser son écorce et commencera à germer puis à sortir de terre pour s’élever à la recherche de son ciel.

Le mouvement du BOIS, c’est à dire du printemps, est l’énergie du petit yang grandissant pour arriver à maturité en été. L’organe de ce mouvement est le Foie et son viscère couplé : la Vésicule Biliaire (voir le tableau récapitulatif). Cette énergie est celle de l’espoir, du renouveau, de l’entreprise de tous les désirs, de toutes les envies et de la mise en œuvre des projets ; c’est l’énergie de la croissance. L’enthousiasme et le dynamisme y sont rattachés. Sa tendance naturelle est l’expansion, il ne supporte pas d’être contraint ni opprimé. Ce mouvement peut-être assimilé au démarreur d’un véhicule ou bien au pied que l’on avance pour exécuter le premier pas.

Responsable de la mise en mouvement et de la force des muscles, le foie est le premier à mettre fin à l’inertie de l’hiver ; mais il est également le premier à subir le contrecoup de la fatigue et de l’abattement. La puissance même de son élan le rend sensible aux retombées. Les manifestations de force et de faiblesse ont même racine.

Fonctions

Le Foie gouverne le drainage et la dispersion (Gan Zhu Shu Xie). Il est responsable de la régularisation du Qi dans tout l’organisme, c’est-à-dire de sa libre circulation et de l’équilibre des mouvements de montée, de descente, d’extériorisation et d’intériorisation. Il joue donc un rôle important dans l’harmonie de l’activité fonctionnelle des viscères.

La fonction Shu Xie exerce une influence sur plusieurs aspects de la physiologie. Elle permet la régularisation des émotions, car lorsque le Qi circule librement l’Esprit est en paix. Elle stimule la digestion et l’assimilation des aliments en favorisant les mouvements complémentaires de montée et de descente, gérés par la Rate et l’Estomac, et en produisant la bile, qui est essentielle à la digestion. Elle est indispensable à la régularité des mouvements du Qi et du Sang, évitant les stagnations et régulant les vaisseaux. Elle favorise le métabolisme des liquides organiques et permet le drainage de l’eau et de l’humidité. Enfin, elle assure la régularité des deux Méridiens Curieux : Chong Mai et Ren Mai, qui jouent un rôle essentiel en gynécologie.

En cas de dysfonctionnement, en relation avec les cinq aspects mentionnés ci-dessus, on rencontre respectivement : nervosité, susceptibilité ou dépression, troubles digestifs et hépatobiliaires, stagnations de Qi et stases de sang, accumulations liquidiennes (ascite, Mucosités, Oedèmes…), troubles menstruels, difficultés pendant la grossesse, leucorrhées…

Explications

Le Foie gouverne le stockage du sang (Gan Zhu Cang Xue). D’une part, le Foie conserve une certaine quantité de Sang qui l’imprègne et le nourrit tout en permettant le contrôle du Yang du Foie (le Sang est de nature Yin). Le Sang du Foie permet de nourrir les tendons et les yeux et, en régularisant le Chong Mai, de prévenir les hémorragies utérines. D’autre part, le Foie régularise le volume sanguin.

Il libère la quantité de Sang nécessaire à l’activité de chaque partie du corps (cette quantité varie selon les efforts musculaires, les émotions…) ; ce Sang retourne ensuite au Foie, durant les phases de repos.

Dans le Su Wen, chapitre 9, Qi Bo dit à l’Empereur

« Le Foie est la demeure des Hun ; son éclat est aux ongles, sa profusion, dans le musculaire, il est pour vivifier sang et souffles ; sa saveur est l’acide, sa couleur, le vert azur. Il est le shaoyang au sein du yang, en libre communication avec les souffles du printemps. Sa maîtrise est au poumon.  »

En conclusion j’ajouterai que selon l’Empereur Huang Di, le peuple chinois en bonne santé, en plus des traitements spécifiques à chacun, devait se faire puncturer les points SU Antiques correspondant à la saison et ce quatre fois par an, afin d’être en harmonie avec le DAO, le yin/yang, et les quatre saisons.

C’est à dire à chaque changement de saisons les axes énergétiques (liens, capteurs et échangeurs entre l’externe et l’interne du corps) sur lesquels se trouvent les points SU Antiques ainsi harmonisés permettaient à l’homme d’être en phase avec l’énergie de la saison pour la recevoir et la synthétiser favorablement. Cette technique permettait aussi d’anticiper les dérèglements futurs entre les différents organes dans la règle de domination du cycle KO. Cette technique est toujours employée aujourd’hui.

Christophe Enderlin, Acupuncteur Traditionnel.