Anecdote et extrait d'un ouvrage du RP LARRE

1. Une anecdote, par Pierre Sterckx :

Ma rencontre avec le Père Larre fût brève – un après-midi de conférences – mais l’impression qu’il me laissa ne s’effacera jamais. C’est ainsi que les grands hommes se créent une éternité. Il eût d’ailleurs ce jour-là une expression qui a dû avoir des effets considérables, si ce n’est à la surface des réalités, du moins dans le cour de ceux qui vécurent ce moment. Ce fût un jour de conférences consacré à l’acupuncture, il y a plus de dix ans de cela, où des exposés furent donnés par un certain nombre de spécialistes de cette discipline pour un large public de professionnels. Comme ce fût l’habitude à cette époque, le temps de parole était équitablement partagé entre les conférenciers-médecins et ceux non-médecins : trois quarts d’heure pour les premiers, un quart d’heure pour les seconds, la plus grande partie du menu étant évidemment alloué, comme de juste, au Père Larre et son immuable partenaire Mlle. Elisabeth Rochat de la Vallée.

Les médecins-acupuncteurs firent preuve de beaucoup d’autorité et étalaient leurs expériences scientifiques en matière d’acupuncture à coups d’innombrables transparents, de schémas et de tableaux impressionnants. Les autres, plus traditionnels, se pressaient de présenter leurs exposés, en comparaison, presque désuets, pendant le petit quart d’heure qu’on leur avait alloué. La journée se passa très bien. La fin de la journée étant en vue, le Père Larre fût invité à présenter des conclusions et clôturer fastueusement cet événement. Ce fût un coup de tonnerre. On s’attend en général à ce qu’un invité d’honneur, appelé à exprimer les mots de la fin d’un grand jour, se montre pour le moins discrètement flatteur pour les organisateurs, loue les intervenants pour la haute teneur de leurs conférences et adresse ses encouragements au public. Mais non.

Dans un discours d’une extrême gentillesse, avec des mots d’une grande douceur et sans aucune allusion personnelle, le Père Larre désirait attirer l’attention sur un point qu’il jugeait très important et qui avait bien été mis en lumière pendant cette journée : c’est qu’il fallait mettre fin au  » double langage  » de l’acupuncture en occident. Il déplora que les gens de la Faculté, qui se consacraient à la recherche et à la pratique de la piqûre d’aiguilles, appelaient cela de l’acupuncture. Il sut nous apprendre, qu’il vaudrait mieux intituler cela de la réflexologie aux aiguilles, afin de ne pas entretenir cette équivoque avec l’acupuncture authentique, qui est basée sur les développements de la théorie classique de la médecine chinoise et se pratique suivant cette science millénaire.

Cette intervention suscita de forts applaudissements et de grands sourires, certains verts, d’autres jaunes, d’autres encore resplendissants. Ce qui était merveilleux, c’est qu’il n’accentua en aucune sorte cette différence médecins/non médecins assez sensible à cette époque, mais qu’il créa une nouvelle différentiation qui était celle des  » réflexologues aux aiguilles  » et celle des  » acupuncteurs « . Médecin ou non, tout le monde pouvait y trouver sa juste place. Seul un Grand Monsieur pouvait exprimer cela avec tant d’art et tant de justesse en un discours tellement mesuré et bien nuancé. Il restera parmi nous.

2. Extrait de  » L’explication du Huangdi Nei Jing  » :

Dans le cadre de cet hommage, nous offrons de façon exclusive deux modestes extraits d’un ouvrage non encore publié et qui est consacré à l’explication du premier et plus grand classique de la médecine chinoise : Le Classique Interne de l’Empereur Jaune. Cet ouvrage est divisé en deux parties : la première explique 81 concepts importants de ce classique sous la forme du discours traditionnel en questions-réponses. La deuxième partie est constituée de textes en traduction originale, abondamment expliqués par des notes des plus grands spécialistes chinois, classiques et modernes du Nei Jing. (les textes)

Question : Expliquez les fonctions physiologiques des six entrailles fu et de Danzhong (la région de la poitrine autour du point Danzhong CV17) par le texte original des « Douze guan » du chapitre Ling Lan Mi Dian Lun de Su Wen (Huangdi Nei jing).

Réponse : La vésicule biliaire.  » La vésicule biliaire a la charge de juge impartial. La décision et le jugement proviennent de là « . Parmi toutes les activités de jingshen et de la conscience, la vésicule biliaire juge les choses et prend les décisions. Il est dit dans le Su Wen au chapitre Qi Bing Lun que  » le foie est le général du centre. Il prend ses décisions de la vésicule biliaire ». Etant un organe qui domine la stratégie, le foie a encore besoin de la décision de la vésicule biliaire. Zhang Jingyue disait que  » la vésicule biliaire s’attache au foie. Ils ont une relation externe interne entre eux. Malgré que le qi du foie soit fort, il ne peut pas prendre de décision sans la vésicule biliaire. Quand le foie et la vésicule biliaire se soutiennent l’un à l’autre, le courage est formé « .

Cela veut dire que quand les fonctions du foie et de la vésicule biliaire se réunissent et se soutiennent mutuellement, le jingshen et la conscience de l’homme peuvent fonctionner normalement. Si les fonctions du foie et de la vésicule biliaire ne sont pas en harmonie ou si le qi de la vésicule biliaire est vide, il peut y avoir des maladies. Il est dit dans le Su Wen au chapitre Qi Bing Lun que  » cette personne ne peut pas prendre de décision malgré beaucoup de réflexion. Sa vésicule biliaire est vide. Le qi monte dans le sens contraire et cause un goût amer dans la bouche « . Cela explique la relation mutuelle entre le foie et la vésicule biliaire et montre que la difficulté de prendre une décision est une manifestation de la perte de capacité de la vésicule biliaire qui en est le responsable.

L’intestin grêle  » L’intestin grêle a la charge de recevoir et de contenir. La transformation (des aliments et des boissons) provient de là « . L’intestin grêle se trouve au-dessous de l’estomac et reçoit l’eau et les céréales de l’estomac. Il transforme les boissons et les aliments et sépare le clair et le trouble. La fonction principale de l’intestin grêle est de recevoir l’eau et les céréales déjà pourris et mûris dans l’estomac, de les transformer encore plus finement, d’absorber la quintessence (la partie claire qui sera transportée par la rate et diffusée à tous les zangfu et tissus du corps) et de transporter les déchets liquides vers la vessie et les autres déchets vers le gros intestin (la partie trouble) pour que les déchets puissent sortir du corps.

Le gros intestin  » Le gros intestin a la charge de responsable de la transmission. La transformation (des déchets) provient de là « . Le gros intestin reçoit les déchets des aliments de l’intestin grêle, absorbe une partie des liquides et transforme le reste en selles et les fait sortir par l’anus.

La vessie  » La vessie a la charge du rassemblement des eaux. Les liquides organiques (jinye) y sont stockés. Ils ne peuvent sortir que quand la transformation du qi fonctionne « . Ici  » les jinye  » signifie les urines.  » La transformation du qi  » signifie que le yangqi vaporise et transforme l’eau liquides. La vessie est l’endroit où l’eau liquides est stockée. Après la transformation du qi du rein, le restant des liquides et les déchets liquides entrent dans la vessie. Quand le stockage des liquides atteint une certaine quantité, les liquides sortent de la vessie et du corps. Cette fonction de la vessie dépend du yang du rein qui consolide et retient. L’excrétion d’urines est une manifestation de la fonction de la transformation du qi du yang du rein – c’est ce qu’on appelle la fonction d’ouverture et de fermeture du rein. Cette fonction d’ouverture et de fermeture permet que l’urine peut être stockée sans s’échapper et peut sortir au moment où le stockage atteint une certaine quantité. Quand cette ouverture et cette fermeture sont déréglées, il peut y avoir soit la miction difficile ou obturée, soit l’énurésie.

Sanjiao (trois foyers)  » Le sanjiao (trois foyers) a la charge du dégagement des voies des eaux. La régulation des eaux provient de là « . Cette citation dit en fait que l’eau trouble descend continuellement pour être éliminée. Le sanjiao est un des six fu. Comme il est le plus grand des douze zangfu, il est aussi appelé gu fu – la maison solidaire. Le sanjiao met en communication le haut et le bas et dérive l’eau pour qu’elle s’écoule vers le bas. Son rôle est comme celui d’un officier qui est responsable de l’entretien des voies fluviales – c’est pourquoi on dit que  » le sanjiao a la charge du dégagement des voies des eaux  » Le sanjiao dégage et favorise l’eau liquides pour qu’elle ne déborde pas et ne soit pas retenue – c’est pourquoi on dit que  » la régulation des eaux provient de là « . Le sanjiao domine tous les qi, dégage les voies des eaux et gouverne la transpiration du corps humain. Il est la voie de la circulation du yuanqi et du transport de l’eau et des céréales.

Danzhong  » Danzhong a la charge de ministre et d’émissaire. La joie provient de là « . Danzhong signifie le maître du coeur. Il est la forteresse du souverain qui règne à la place du coeur, comme un ministre et un émissaire. L’émotion du coeur est la joie. Quand il y a de la joie dans le coeur, elle est transmise à l’extérieur par Danzhong – c’est pourquoi on dit que  » la joie provient de là « . Mais il faut comprendre que la joie n’est pas produite dans Danzhong. Danzhong ne fait que transmettre la joie du coeur à l’extérieur. Danzhong se trouve à l’extérieur du coeur et protège le coeur. Quand les pervers attaquent le coeur, ils envahissent d’abord le maître du coeur. Il est dit dans Ling Shu au chapitre Xie Ke que  » Quand les pervers attaquent le coeur, ils se trouvent en fait dans le maître du coeur « . Cela est la base de la théorie de  » la tiédeur perverse entre par le haut, attaque d’abord le poumon et est transmise dans le sens contraire au maître du coeur  » dans la théorie des maladies de la tiédeur.

Question : Pourquoi dit-on que  » les onze zang prennent leur décision de la vésicule biliaire « ?

Réponse : Cette phrase sort du chapitre Liu Jie Zang Xiang Lun de Su Wen et est un résumé de la capacité de contrôle et de régulation de la vésicule biliaire dans les changements physiologiques compliqués de l’organisme humain et dans le processus d’adaptation de l’organisme humain à l’extérieur. Il y a quatre raisons pour lesquelles on dit que  » les onze zang prennent la décision de la vésicule biliaire  » :

 » La vésicule biliaire a la charge de juge impartial. La décision provient de là « . Cela veut dire que la vésicule biliaire est responsable du jugement impartial et exact et que son caractère est fort et décidé. Cette caractéristique de la vésicule biliaire assure le contrôle et la régulation des activités des qingzhi du corps humain, ce qui est important pour maintenir l’état normal des activités jingshen et de la réflexion. Cette caractéristique de la vésicule biliaire permet aussi d’éviter la formation des maladies en cas d’attaques fortes venant de l’extérieur (y compris les facteurs émotionnels ou l’invasion du froid, de la chaleur, etc).

Chez les personnes courageuses, le qi circule normalement; chez les personnes qui manquent de courage, le qi peut être retenu, ce qui cause des maladies. Quand on n’a pas peur du grand vent, on ne peut pas être blessé par le grand vent; quand on n’a pas peur du grand froid et de la grande chaleur, le corps ne peut pas être envahi par le grand froid et la grande chaleur. Le qi est fort grâce au courage (vésicule biliaire), de sorte que les pervers ne peuvent pas envahir le corps.

La vésicule biliaire a une relation externe-interne avec le foie. La vésicule biliaire aide le foie à drainer le qi et le sang pour que le qi et le sang ne soient ni excessifs, ni insuffisants, pour que le qi et le sang des zangfu circulent librement et que la montée et la descente du mécanisme du qi soient harmonieuses. Ainsi les fonctions physiologiques des zangfu sont assurées et la capacité de résistance du corps humain contre les maladies est forte.

Les méridiens et les vaisseaux du foie et de la vésicule biliaire (l’un est zang et l’autre est fu) sont étroitement liés l’un à l’autre. Ils appartiennent tous deux au bois, correspondent au printemps et possèdent le qi du shaoyang du printemps qui monte. Ce qi montant du printemps se manifeste dans le corps par la fonction de la vésicule biliaire qui favorise et active la transformation du qi des douze méridiens. Pendant la dynastie Jin et Yuan, Li Dongyuan disait que la vésicule biliaire appartient au qi montant du shaoyang du printemps. Quand le qi du printemps monte, toutes les choses sont activées; quand le qi de la vésicule biliaire monte, le qi des autres zangfu suit. Le Professeur Ren Yingqiu disait dans son ouvrage Nei Jing Shi Jiang au chapitre Shu Gan Ping Yi que  » la montée du qi de la vésicule biliaire au printemps est en fait la montée du qi du bois au printemps et finalement la montée du qi du foie du printemps. La transformation du qi de tous les zangfu et des douze méridiens a besoin de la motivation de la transformation du qi du foie et de la vésicule biliaire « .

La vésicule biliaire est la maison centrale du jing et stocke le jus jing (la bile), qui est une substance importante pour que l’eau et les céréales se transforment en quintessence pour nourrir le corps humain. Quand cette fonction de la vésicule biliaire est déréglée, la production et la transformation de la quintessence de l’eau et des céréales seront affectées, de sorte que les fonctions des cinq zang et des six fu s’affaiblissent ou que les maladies se forment suite à un manque de nutrition.

Pierre Sterckx et Chen Jun (http://www.guangming.ch).