En 1973, on a découvert un tombeau de l’an 168 ac (dynastie Han Occidentale), à Mawangdui, près de la ville de Changsha, le chef lieu de la province Hunan. On y a trouvé trois volumes de documents écrits sur tissu, consacrés aux méridiens et aux collatéraux. Le terme jingluo (méridiens collatéraux) n’y est cependant pas encore mentionné. L’auteur parlait de « onze vaisseaux du pied et de la main », donc sans les désigner par leurs noms et il a décrit leurs parcours, sans mentionner la relation surface-interne entre les couples de méridiens et sans faire la liaison entre les méridiens et les organes et les entrailles internes. Malgré la simplicité de leur contenu, la valeur de ces documents n’est pas négligeable – ils nous montrent qu’à cette époque ou même plus tôt, la théorie des méridiens et des collatéraux avait déjà atteint une forme embryonnaire, bien plus tôt que beaucoup d’autres théories fondamentales de la médecine chinoise.
Nei Jing, Le Classique Interne, est l’ouvrage classique représentatif de la théorie fondamentale de la médecine chinoise et il est considéré comme le symbole de la prise de forme de sa théorie fondamentale. Il est difficile de définir la période à laquelle cet ouvrage a été écrit : certains chercheurs croient qu’il a été écrit pendant la Période des Printemps et Automnes (770 ac – 476 ac) et la Période des Royaumes Combattants (475 ac – 221 ac) ; certains d’autres disent qu’il a été terminé pendant la Dynastie Han Occidental (206 ac – 24 pc) ; certains chercheurs pensent même qu’il a été terminé seulement vers la Dynastie Tang (618 – 907). D’après les différents styles du langage écrit et des contenus, il est clair que cet ouvrage n’a pas été écrit par une seule personne et n’a pas été terminé en une période courte. Ce qui est sûr, c’est que Le Classique Interne a été écrit plus tard que les trois volumes de documents découverts dans le tombeau à Mawangdui et représente une période pendant laquelle la théorie des méridiens et des collatéraux prenait déjà une forme relativement mûre. Le volume Ling Shu, Pivot spirituel, du Classique Interne est aussi appelé Zhen Jing. Le Classique de l’Aiguille. La totalité de son contenu est consacré à la théorie et à la pratique des méridiens et des luo. Les descriptions de la structure du système des méridiens et des collatéraux, les parcours des méridiens réguliers, des collatéraux, des méridiens extraordinaires, des méridiens distincts et des méridiens tendino-musculaires, des fonctions physiologiques du système des méridiens et des collatéraux et la pathologie des méridiens et des collatéraux, des points – leur localisation et leurs indications y sont relativement complètes et précises. Ce qui est remarquable, c’est que la théorie des méridiens et des collatéraux s’y trouve liée à celles de yin yang et des cinq phases, de la correspondance entre le ciel et l’homme, des manifestations des organes et de l’étiologie et la pathogénie. Ainsi le concept de l’ensemble du corps humain prenait une forme mûre.
Huangdi Bashi Yi Nan Jing, Le Classique des Quatre-vingt une difficultés (du Classique Interne) de l’Empereur Jaune, souvent appelé en abrégé Nan Jing, Le Classique des Difficultés, est un livre explicatif des quatre-vingt un points difficiles du Classique Interne. La plus grande partie du contenu de cet ouvrage est consacré à la théorie des méridiens et des collatéraux et à celle de l’acupuncture et de la moxibustion. La théorie des méridiens extraordinaires y est développée et le concept des huit vaisseaux y apparaît pour la première fois. Les parcours et la pathologie des méridiens extraordinaires, la relation entre les méridiens réguliers et les méridiens extraordinaires, la nature yin yang des points des méridiens et les méthodes de tonification et de dispersion, etc, y ont été complétées au départ des descriptions données dans Le Classique Interne. Le Classique des Difficultés est un ouvrage extrêmement important dans l’évolution de la théorie des méridiens et des collatéraux. Au point de vue de l’évolution de l’acupuncture, Le Classique Interne et Le Classique des Difficultés sont les deux ouvrages les plus importants ayant une même valeur.
Zhang Zhongjing (150 – 219) de la Dynastie Han Orientale (25 – 220), est considéré comme le créateur du système du traitement suivant la différentiation des syndromes, ce qui est une des grandes particularités de la médecine chinoise. Dans son célèbre ouvrage Shang Han Za Bing Lun, Traité des Atteintes du Froid et des Maladies Diverses, il a créé le système de la différentiation des syndromes suivant les six méridiens, qui est en fait une application de la théorie des méridiens et des collatéraux du Classique Interne dans la pratique. Le Traité de l’Atteinte du Froid et des Maladies Diverses est donc un ouvrage de la combinaison de la théorie des méridiens et des collatéraux et de la pratique clinique.
Zhen Jiu Jia Yi Jing, Le Classique Jia Yi de l’Acupuncture et la Moxibustion, de Huangfu Mi de la Dynastie Jin Occidental (265 – 316) est le plus ancien ouvrage consacré à l’acupuncture et la moxibustion qui est complètement conservé jusqu’à présent. L’auteur Huangfu Mi a rassemblé le contenu du Classique Interne et d’un autre livre important de méridiens et des points Ming Tang Kong Xue Zhen Jiu Zhi Yao, Eclaircissement des Sujets Importants Concernant les Points et le Traitement par l’Acupuncture et la Moxibustion, en les reclassant par sujet et en les complétant. Le Classique Jia Yi de l’Acupuncture et la Moxibustion est considéré comme le grand résumé des recherches de l’acupuncture et la moxibustion avant la dynastie Jin Occidentale. Au départ de ces deux livres classiques, Huangfu Mi a ajouté un grand nombre de noms de points en décrivant très précisément leur localisation, la méthode de piqûre et de moxibustion, leurs indications, etc. En plus, une grande partie de cet ouvrage est consacrée au traitement des maladies des différentes branches de la médecine chinoise par l’acupuncture et la moxibustion. Cet ouvrage représente la période de maturité dans l’évolution de la théorie des méridiens et des collatéraux.
Pendant la dynastie Song (960 – 1279), suivant le décret de l’empereur, Wang Weiyi a rassemblé et révisé les méridiens, les collatéraux et les points d’acupuncture afin d’en standardiser l’enseignement. Il s’est référé à des classiques des méridiens, des collatéraux, des points et de l’acupuncture et a fabriqué deux statues en bronze d’un homme adulte de l’époque à grandeur réelle, qui servaient à illustrer les structures du corps humain, les méridiens, les collatéraux et les points d’acupuncture. Suivant des documents historiques de cette époque, ces deux statues pouvaient s’ouvrir et se fermer. Dans l’interne, il y avait des modèles des organes et des entrailles et à la surface, des trous correspondant aux points. Au moment de l’examen officiel des acupuncteurs, les trous étaient obturés de cire, les statues remplies d’eau, puis peintes de telle façon que les points n’étaient plus visibles. Les acupuncteurs devaient piquer le corps de la statue. Si un acupuncteur réussissait à insérer l’aiguille à l’endroit voulu, l’eau sortait par le point, ce qui voulait dire qu’il connaissait bien les méridiens et les points et qu’il avait réussi son examen pratique.
Dans Shisi Jing Fa Hui, Le Déploiement des Quatorze Méridiens de Gu Boren de la Dynastie Yuan (1271 – 1368), le terme de « quatorze méridiens » est apparu pour la première fois. L’auteur a mis en exergue les douze méridiens principaux plus Du Mai et Ren Mai, qui tous ont des points propres. Il a tout spécialement étudié leur parcours, les règles de la circulation du qi et du sang dans ces méridiens, leurs points, leur pathologie, etc. Cet ouvrage est aussi considéré comme une référence importante dans l’évolution de la théorie des méridiens et des collatéraux, de l’acupuncture et de la moxibustion.
Zhen Jiu Da Cheng, Le Grand Livre Complet de l’Acupuncture et la Moxibustion, sorti en 1601 et écrit par Yang Jizhou de la Dynastie Ming (1368 – 1644), est un grand résumé des résultats de recherche en acupuncture avant la Dynastie Ming. Actuellement, ce livre a gardé une valeur importante, tant au point de vue de la théorie qu’au point de vue de la pratique et il est toujours considéré comme une référence importante dans l’étude de l’acupuncture.
À la fin de la Dynastie Ming et pendant la Dynastie Qing (1644 – 1911), la théorie de l’école des maladies de la tiédeur a pris forme et exercé beaucoup d’influence sur la pratique de la médecine. En se basant sur la théorie de la différentiation des syndromes suivant les six méridiens du Shang Han Za Bing Lun, Le Traité des Atteintes du Froid et des Maladies Diverses, la théorie des maladies de la tiédeur étudie principalement la transmission des maladies de la tiédeur chaleur suivant les quatre couches – la couche wei défense, la couche qi, la couche ying nutrition et la couche sang. Ce sont en fait les quatre niveaux de la circulation du qi et du sang des méridiens et des vaisseaux. Il est donc clair que cette théorie fait partie intégrante du système des méridiens et des collatéraux.
Au milieu de la Dynastie Qing, un ministre de haut niveau a écrit que « la piqûre par les aiguilles, le traitement par le feu et le moxa ne sont pas des moyens qui conviennent pour soigner les souverains« . À partir de ce moment, un contre-courant s’est créé dans l’évolution de l’acupuncture. En 1822, le souverain a ordonné de « fermer à jamais le service de l’acupuncture et la moxibustion dans l’Hôpital Impérial ». Pendant cette période, l’évolution de l’acupuncture a été fortement freinée et il n’y avait plus que de rares nouveaux livres consacrés à la théorie des méridiens et des collatéraux pendant cette époque.
Après la Dynastie Qing et jusqu’à présent, beaucoup de recherches sur l’acupuncture ont été effectuées. Cela se traduit par l’apparition d’un grand nombre d’ouvrages consacrés à l’étude des classiques et au développement des nouveaux concepts de l’acupuncture.
(Extrait du cours ‘Les méridiens et les collatéraux’ de Guang Ming, Institut de Médecine Chinoise (Genève – Suisse). L’intégralité des textes, de la main de Pierre Sterckx CMD et Chen Jun Lic., sera publiée dans un ouvrage de la collection ‘Les Fondements de la Médecine Chinoise’, édité chez Guang Ming Press. Site d’information : http://www.guangming.ch)