Chenmen





Dao De Jing, le Livre de la Voie et de la Vertu (suite)
Le célèbre ouvrage de LAO TSEU en 81 chapîtres. (ci-dessous, chapîtres de 21 à 40)

Ecole chinoise, Lao-tseu sur son buffle, suivi par un disciple, XVIII ème s., Paris, Bibliothèque Nationale. Cliquez sur l'image pour l'agrandir...

VINGT ET UN : La grande Vertu vient du Tao. Le Tao est vague, imperceptible, insaisissable ! Oh, qu'il est vague, imperceptible, insaisissable ! Et pourtant en son sein est la vérité. Oh, qu'il est insaisissable, imperceptible ! Et pourtant en son sein est la forme des choses. Il est si sombre, si ténébreux ! Et pourtant en lui est l'essence vraie de l'être. Cette essence est la vérité rayonnante et la vérité cachée. Depuis l'aube des âges son nom nous a été transmis et de lui naissent tous les êtres. Comment peut-on connaître les voies de la création ? Par lui. Par le Tao.

VINGT-DEUX : Ce qui est incomplet s'accomplira. Ce qui est courbé deviendra droit. Ce qui est vide sera rempli. Ce qui est usé deviendra neuf. N'avoir rien et se sentir comblé. Etre riche, et garder sa simplicité. Ainsi est le sage. Il embrasse l'Unité. Il vit caché et pourtant tous le voient. Il ne s'affirme pas et pourtant il s'impose. Il ne se vante pas, et son mérite éclate. Absent à lui-même, sa présence s'accroît. Etant sans ambition, il ne heurte personne. Il ne lutte point. Ainsi nul ne peut l'égaler. Ce qui est incomplet sera achevé. Cette sentence ancienne est pleine de vérité car seul celui qui plie reste intègre. Reste humble et garde l'esprit ouvert : tu recevras le monde.

VINGT-TROIS : Préserve-toi par le silence. L'ouragan ne hurle pas toute une matinée. L'orage ne dure pas tout un jour. Qui produit l'ouragan et la pluie ? Ce sont le ciel et la terre. Si ciel et terre ne produisent rien d'éternel, comment l'homme le pourrait-il ? Celui qui suit la loi s'accorde au Tao. Sa volonté et ses principes sont ceux du Tao. Avec lui il agit et avec lui il s'abstient. Le Sage épris d'absolu y trouve la plénitude. En suivant la voie on trouve la voie. En se conformant à la vertu on devient la vertu. Mais si on pense au crime on recueille la honte du crime. C'est pourquoi l'action comme l'inaction traduisent l'invisible harmonie Ou la foi est totale, ou elle n'est pas.

VINGT-QUATRE : Qui marche sur la pointe des pieds perd l'équilibre et tombe à terre. Qui avance à grand pas s'essouffle vite et est dépassé. Celui qui se met en vue reste dans l'ombre et personne ne voit son mérite. L'homme imbu de lui-même perd l'estime d'autrui. Qui se glorifie n'est pas considéré. Qui se gonfle d'orgueil ne peut pas progresser. Qui vit ainsi est malade de l'âme. Ces laideurs ne salissent pas celui qui suit la voie.

VINGT-CINQ : Une puissance indéfinissable et confuse existait depuis l'éternité. Elle était avant la naissance du ciel et de la terre. Perfection indéterminée. Energie éternelle. Mouvement sans fin. Mouvement immuable. Force unique. Omniprésente. Impérissable. Sans nom mais connue de tous. Mère et principe créateur de l'univers. Nul ne connaît son nom. On l'appelle le Tao. Il échappe à toute définition. Invisible, il est immense. Immobile, il se propage à l'infini. En fuyant, il revient. Ainsi, immense est le Tao. Immenses le ciel et la terre. Immense l'être. Quatre immensités dans l'univers, dont l'être. L'homme épouse le rythme de la terre, la terre s'accorde avec le ciel, le ciel s'harmonise avec le Tao. Le Tao est la loi, la voie de la nature. Et la voie demeure, éternelle.

VINGT-SIX : Le lourd est la racine du léger. L'immobilité est mère du mouvement. C'est pourquoi le Sage se déplace avec un seul bagage : le Tao. Partout où il va, il reste détaché et serein. Spectateur des merveilles. Spectateur de la vie. Ainsi le Maître des milles choses doit préférer son peuple à lui-même. Car agir avec légèreté, c'est perdre sa racine, s'agiter, c'est perdre la maîtrise de soi.

VINGT-SEPT : Celui qui sait marcher ne laisse pas de traces. Celui qui sait parler garde ses paroles. Celui qui sait compter n'a pas de boulier. Celui qui sait garder n'a que faire de verrous et de clefs. Celui qui sait lier n'a pas besoin de liens et nul ne peut défaire les noeuds qu'il a serrés. Ainsi le Sage se dédie au secours des hommes. Il n'en rejette aucun. Il veille à préserver les êtres, sans en excepter aucun. Il est dans la lumière. Tout plein de soleil. Le Sage est le maître de celui qui ne l'est pas et ce dernier est la matière sur laquelle il agit. Ainsi, ils ont besoin l'un de l'autre. Voilà une vérité. Une vérité subtile. Car tout ce qui est essentiel pour l'homme, tout ce qui lui est indispensable, reste une énigme. C'est l'inconnu pour lequel on lutte et on travaille. C'est l'inconnu qui nous donne la force de vivre, la force d'espérer, la force de croire. Car ce que l'homme veut savoir lui reste inconnu. A jamais.

VINGT-HUIT : Celui qui est conscient de sa force mais garde la douceur de la femme, est le creuset de l'univers. Etant le creuset de l'univers, il fait un avec le Tao et redevient pur comme l'enfant. Celui qui connaît l'étendue de son savoir et garde la simplicité dans son coeur, est le modèle du monde. Etant le modèle du monde, il rejoint le Tao et son espace infini. Celui qui connaît la gloire mais garde son humilité possède la vertu du monde. Etant la vertu du monde, il atteint la plénitude du Tao et revient à l'unité originelle, cette unité d'où provient toute chose. Le Sage participe alors à l'harmonie universelle. Grain de lumière, il se répand dans l'univers et revient à la grande lumière. Et il retrouve l'infini.

VINGT-NEUF : Celui qui veut posséder le monde et lui imprimer sa marque ne peut y réussir. Je le sais. Le monde est une entité sacrée. La main de l'homme ne peut le modeler. En voulant le changer on le détruit. Quand on croit le tenir on le perd. C'est ainsi que l'homme s'éloigne du chemin de la vertu. Car parmi les hommes les uns marchent en avant et les autres s'attardent. Les uns ont un souffle léger, les autres une haleine puissante. Certains sont forts, d'autres faibles. Les uns renversent ce que d'autres ont bâti. Aussi le Sage évite l'excès, l'incohérence et toute extrême. Il vit dans la vérité.

TRENTE : Un souverain instruit dans la voie du Tao renonce à conquérir le monde par la force. Car il sait qu'à l'attaque succède la riposte. Là où sont passées les armées, ne restent que des ruines et ne poussent que des ronces. Les grandes guerres amènent des années de disette. C'est pourquoi l'homme éclairé se montre résolu sans tomber dans l'excès. Il parvient à ses fins mais n'en tire aucune gloire. Il mène à bien ses entreprises sans offenser ni détruire. Il agit sans orgueil et ne combat que par nécessité. Il ne trouble pas la grande harmonie. La force use celui qui l'utilise, car elle va à l'encontre du Tao. Et ce qui va contre le Tao va à sa perte.

TRENTE ET UN : Les armes les plus belles ne sont que des engins de mort. L'humanité les a en horreur. Celui qui suit la voie du Tao en détourne ses regards. L'homme de bien se place à gauche du maître de maison. L'homme de guerre s'installe à sa droite. Les armes n'apportent que la mort. Le bon souverain en détourne le regard. Il ne les prend que s'il n'a pas d'autre choix. Pour lui, les trésors suprêmes sont le calme et la paix. La victoire ne le remplit pas de joie, car se réjouir serait se glorifier d'avoir ordonné la mort. Celui qui se glorifie de la mort d'autres hommes ruine sa destinée et ne pourra pas gouverner. Dans les jours heureux, la place d'honneur se trouve à gauche. Dans les jours de malheur, elle est à droite. L'aide de camp se place à gauche, le chef de guerre s'installe à droite. Ainsi la guerre se conduit comme des funérailles. Le chef triomphant préside au festin de la victoire comme s'il assistait à l'office funèbre de ceux qu'il a fait tuer. Car ayant fait tuer beaucoup d'hommes, Il doit maintenant en porter le deuil.

TRENTE-DEUX : Le Tao ne peut être défini. Etant insaisissable, il échappe à toute emprise. Si les souverains se conformaient au Tao, ils verraient les dix mille êtres se remettre entre leurs mains. L'harmonie du ciel et de la terre emplirait l'univers et une douce rosée descendrait sur les hommes. La paix universelle ferait la joie de tous les peuples. Et puis les hommes furent séparés par contrées et par nations, et distingués chacun par un nom. Et avec le nom surgit la division. Par le Tao on connaît les limites du danger. Car le Tao, dans l'univers, est comme le fleuve, dont le flot, depuis toujours, va rejoindre la mer.

TRENTE-TROIS : Celui qui connaît les hommes acquiert la sagesse. Celui qui se connaît lui-même possède la lumière. Celui qui conduit les hommes est fort. Mais celui qui se maîtrise lui-même détient la vraie puissance. Celui qui se contente de ce qu'il a est le vrai riche. Etre sans désir, c'est posséder le monde. C'est suivre la voie. Si celui qui persévère fait preuve de volonté, celui qui demeure dans l'ordre des choses est le Sage absolu. Celui qui meurt mais reste dans le souvenir des hommes a touché à l'éternité.

TRENTE-QUATRE : Le Tao se répand comme un flot. Sa puissance est sans limite. Les dix mille êtres naissent et vivent de lui sans qu'il en soit l'auteur. Il poursuit son oeuvre éternelle sans vouloir rien imposer. Il commande aux hommes sans s'en déclarer le maître. Il est sans désir et dénué d'ambition. On peut le dire petit. Quelle erreur : il est immense, incommensurable. Les dix mille êtres retournent à lui sans qu'il ne demande rien. On peut alors le dire immense, et nul ne peut le cerner. Le sage ignore sa grandeur, ainsi elle se réalise d'elle-même. A l'infini.

TRENTE-CINQ : Celui qui suit le Tao peut parcourir le monde en toute quiétude. Il trouvera partout paix, équilibre, sécurité. Il s'avance, impassible, dans la sérénité. Musique et bonne table attirent le passant. Mais la bouche qui parle du Tao ne le retient pas. Car ce qu'elle dit est sans saveur : on le regarde et on ne le voit pas, on l'écoute, et on ne l'entend pas. Pourtant, celui qui puise dans le Tao a puisé l'inépuisable.

TRENTE-SIX : On ne peut réduire que ce qui est déployé. On ne peut affaiblir que ce qui est puissant. On ne peut abattre que ce qui est élevé. Ainsi pour recevoir, il faut avoir donné. C'est la loi de la nature. La douceur et la faiblesse triomphent de la dureté et de la force. Que le poisson qui brille demeure au sein des profondeurs ! Les secrets du royaume doivent être ainsi maintenus cachés au regard des hommes.

TRENTE-SEPT : Le Tao n'agit pas par lui-même. Et pourtant il n'est rien qu'il n'accomplisse. Si seulement les rois et les princes pouvaient s'y tenir, les dix mille êtres les suivraient dans cette voie. Dans la voie du bonheur, dans la voie de la perfection. Et si malgré tout ils voulaient encore agir, la simplicité suprême du Sans-Nom les assagirait. Ils deviendraient alors sans désir, en paix, et, partant, l'univers se transformerait. de lui-même.

TRENTE-HUIT : L'homme de haute vertu est au-dessus de la vertu, c'est pourquoi il est vertueux. L'homme de moindre vertu, se dit vertueux c'est pourquoi il ne l'est pas. L'homme de haute vertu la pratique sans y penser. L'homme de moindre vertu l'utilise pour atteindre un but. Et pourtant il ne l'atteint pas. Le véritable homme de bien agit sans avoir de raisons de le faire. L'homme de justice agit car il a des raisons de le faire. L'homme qui se conforme au rites agit et veut les imposer par la force. Ainsi, si l'on oublie le Tao, il reste la vertu. Si l'on se détourne de la vertu, il reste la bonté. Lorsque la bonté est perdue, il reste la justice. Lorsqu'on abandonne la justice, on recourt aux rites. Or, Les rites ne sont que l'apparence de la vérité et de la sincérité. Ils sont aussi l'amorce de la confusion. La connaissance et l'intelligence ne sont pour le Tao que des fleurs sans parfum. Elles sont souvent la source de l'erreur. C'est pourquoi le Sage puise au tréfonds des choses sans s'arrêter aux apparences. Il contemple le fruit plutôt que la fleur. Il ignore l'une et cueille l'autre.

TRENTE-NEUF : Voici ce qui, depuis les origines, a atteint l'unité : Le ciel parce qu'il est pur. La terre parce qu'elle est stable. Les esprits parce qu'ils sont transcendants. Les vallées parce qu'elles sont riches en eau. L'humanité parce qu'elle se reproduit. Les souverains et les gouvernants parce qu'ils donnent l'exemple. C'est l'unité qui les rend parfaits. Si le ciel n'était plus pur, certainement il s'effondrerait. Si la terre n'était plus stable, elle s'écroulerait. Si les esprits n'étaient plus transcendants, ils s'évanouiraient. Si les vallées n'étaient plus humides, elles deviendraient des déserts. Si les dix mille êtres cessaient de se reproduire, ils disparaîtraient. Si les souverains et les gouvernants renonçaient au pouvoir, leurs pays tomberaient dans le chaos. La noblesse repose sur l'humilité. Ce qui est grand prend appui sur ce qui est infime. Ainsi les souverains et les gouvernants se nomment-ils eux-mêmes orphelins, hommes sans valeur et de peu de mérite. Ils montrent par là leur compréhension de l'ordre profond des choses. L'honneur suprême est en dehors de l'honneur. Car le Sage ne cherche ni a briller comme le jade, ni a être rejeté comme un caillou. Il vit au-dessus de l'estime et du mépris.

QUARANTE : L'immobilité est le mouvement du Tao. Dans sa faiblesse réside sa puissance. Tous les êtres de ce monde sont nés du visible. Le visible procède de l'invisible. Car tout est et n'est rien.

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