Quel temps fera-t-il en 2019 ?

Quelle curieuse question que de savoir quel temps il fera en 2019 ? Tout au plus une question pour Météo-France ! Et quel est le rapport avec la Médecine traditionnelle chinoise ? 

Et si les anciens chinois avaient mis en évidence deux météorologies bien différentes ? Une se situant dans l’homme et l’autre autour de lui, celle-ci observable dans la nature.

Dans les deux cas, cela repose, encore et toujours, sur deux grandes qualités qu’avaient les anciens Chinois, à savoir : un très grand sens de l’observation et une capacité à modéliser (troncs célestes et branches terrestres) un corpus qui sera appliqué à tous les pans de la société chinoise (Médecine traditionnelle chinoise, astronomie, astrologie, Yi-Jing, musicothérapie, agriculture, …). Bien évidemment, ce modèle ne s’est pas créé sur une année. Il s’est construit au cours des siècles, à mesure que la compréhension du fonctionnement du ciel et de la terre s’affinait. Dans cet esprit, je vous propose un voyage dans le temps afin de comprendre comment ils en sont arrivés à un tel degré de perfection et ensuite comment ce modèle s’évertue à déterminer la météorologie dans le corps et dans la nature.

La tradition chinoise nous enseigne que l’Homme, en prenant appui sur Terre et vivant sous le Ciel, est soumis à de nombreuses influences. Certaines, externes, proviennent en partie du Ciel et de la Terre. D’autres, au contraire, s’expriment dans le corps au gré des influences extérieures ou de notre état émotionnel. A ce propos, l’Empereur Huang[1]évoque d’ailleurs cet aspect : 

« L’Empereur Huang demanda : Dans la pratique de l’acupuncture, certaines règles doivent être observées, lesquelles ?

Qi bai répondit : «Il faut observer la loi de l’univers et les mouvements du soleil, de la lune et des étoiles » 

La compréhension de l’Univers et de ses lois se doit de passer aussi par l’observation. Il faut observer, observer, encore et toujours, se laisser imprégner pour s’en approcher.

La tradition chinoise insiste sur la notion de mouvement. Tout est mouvement nous dit-elle. Cependant, celle-ci fait une distinction précise entre les mouvements et les cycles. Tout cycle est mouvement mais tout mouvement n’est pas obligatoirement cyclique. De nombreux cycles sont à l’œuvre dans l’harmonie qu’entretient l’homme avec son environnement et son écosystème interne.

Loin de l’homme, citons quelques exemples : la course du soleil sur une année, le rythme lunaire avec ses phases de nouvelle et pleine lune, la ronde des étoiles et des constellations illuminant le ciel. Plus proche de la Médecine traditionnelle chinoise citons les six énergies climatiques[2]. Tous ces objets célestes viennent influencer l’homme sa vie durant et la connaissance de ces cycles et de leurs influences apporte un regard élargi sur la vie et procure des indications précieuses pour améliorer notre bien-être.

Les étoiles tiennent une place particulière dans la cosmogonie et la civilisation chinoise. Pendant plusieurs milliers d’années des astrologues chinois ont observé et noté tous les phénomènes astronomiques avec une grande précision[3]. De nombreux textes, étalés sur cette période, attestent de cela. Le ciel est à la source même de la civilisation chinoise, de son organisation politique et économique, à telle enseigne qu’il se prénomme lui-même « Pays sous le ciel » et son empereur « le fils du ciel ».

Nous retrouvons des traces de l’importance qu’avait le ciel pour les Chinois anciens dès la dynastie des Xia (- 2100 à – 1600), des Shang (- 1600 à – 1045) et des Zhou (- 1045 à – 220) , ils commenceront à établir la notion de mandat céleste sur terre. Ils mettront l’accent sur trois dates importantes pour tout être humain que sont les dates de naissance, de conception et un an avant le jour de naissance. Cependant, les concepts cosmologiques et les observations fines du ciel seront apportés par la dynastie Han (-220 à 220) mais l’usage avancé des mathématiques seront surtout utilisées par la dynastie Tang (618 à 907) pour établir des cartes célestes de grandes précisions.

Notons, au passage, que les Chinois détenaient depuis le 1er siècle avant notre ère un corpus mathématique de haut niveau assemblé dans un ouvrage « les neufs chapitres, le classique mathématique de la chine ancienne »[4].  S’appuyant sur ces cartes du ciel et de solides connaissances mathématiques. La dynastie des Song (960 à 1279)élabora des horloges astronomiques permettant d’affiner leurs 
connaissances du mouvement des petits et grands luminaires.[5]

La dynastie des Yuan (1271 à 1368), suite aux premiers échanges avec les pays de l’ouest, donnera naissance aux instruments d’observation du ciel à grand échelle, s’approchant de l’astronomie moderne. Quant à la dynastie Ming (1368 à 1644), elle sera en contact avec les pays européens notamment au travers d’échanges avec les Jésuites et son célèbre représentant auprès de la cour impériale, Matteo Ricci. Depuis cette date, la Chine reste très attachée à sa culture et ses connaissances ancestrales. La redécouverte de celles-ci par les Occidentaux ne fait qu’apporter des éléments sur les hautes connaissances qu’avaient les astronomes et scientifiques de ces temps passés. 

Dès le XVIIIe siècle, l’astronomie chinoise a été étudiée par de grands noms dans ce domaine comme le Père Gaubil, Biot, Saussure, Sédillot, Whitney et enfin Schlegel. Dans cet esprit, Gustav Schlegel[6] a apporté un remarquable travail personnel et de synthèse en traduisant de nombreux textes inconnus à ce jour. Il a participé grandement à la connaissance de l’astronomie chinoise auprès des Occidentaux. 

Les sinologues cités précédemment ont constaté que les astronomes chinois avaient observé que toutes les étoiles semblaient tourner autour d’un point fixe et immuable dans le ciel à l’image de l’empereur, centre de l’empire. Le pas fut vite franchi d’appeler cette étoile fixe « l’étoile impériale » (Tae I). De ces cinq zones de ciel agissantes couplées aux troncs célestes et branches terrestres naitra la notion de Yun Qi, soit une durée d’année découpée en six parties, chacune associées à une des six énergies célestes que sont : tae yang, shao yang, yang ming, tae yin, shao yin et jue yin. Cela donnera naissance à une branche de la Médecine chinoise traditionnelle que j’ai appelé la climatologie. Le lecteur l’aura compris, cette science de la MTC s’appuie sur des siècles d’observation, de calculs et surtout de vérification que les prévisions annoncées correspondent bien à ce que l’on observe dans l’homme et la nature.

Les cinq palais célestes

La climatologie est un domaine d’étude confidentiel et très peu utilisé par les praticiens de médecine chinoise tant son abord et son appropriation demande un réel investissement de temps. 

La difficulté d’usage de la climatologie est double. D’abord, il faut bien maîtriser les notions de calendrier, de troncs et branches célestes. Ensuite, il en sera de même pour la science de la climatologie elle-même bien éloignée de la connaissance des quatre saisons et intersaisons sur terre.

La climatologie s’inscrit complètement dans le corpus de la Médecine traditionnelle chinoise. Elle est l’expression la plus aboutie de l’essence même de la médecine chinoise construite comme une médecine d’anticipation et de prévision pour finalement… rester en bonne santé !

La météorologie dans l’homme (climatologie interne)

A ce jour, la connaissance de l’arrivée des quatre saisons est une connaissance nécessaire pour anticiper l’arrivée des énergies de printemps, été, automne, hiver et intersaison. Celle-ci est nécessaire pour adapter l’équilibre énergétique des personnes à l’arrivée des énergies saisonnières comme le pratiquent tous les praticiens de médecine traditionnelle chinoise, et ce, quel que soient leurs domaines de prédilection (pharmacopée chinoise, acupuncture, tuina, qi gong, diététique chinoise). Cependant, cela n’est clairement pas suffisant ! Pour illustrer cela, prenons un premier exemple.

Nous sommes au milieu et au plus profond de l’hiver, à l’extérieur les températures avoisinent le zéro degré, l’énergie de l’hiver et le froid sont bien installés. Pourtant, une personne présente toutes les caractéristiques d’une pathologie grave de chaleur extrême. Le pouls est vaste, elle n’a pas de fièvre et l’évolution de la pathologie est rapide. Tout ce tableau ne semble pas correspondre à une pathologie de froid, et d’hiver. Comment expliquer cette chaleur en plein hiver ? Une explication est qu’à cette période nous ayons une énergie invitée (venant du ciel) de chaleur de type Shao Yang (Feu), avec une année de type Feu et sur un tronc céleste Feu. Nous avons là, ce que les chinois appellent « une triple concordance Feu » au milieu de l’hiver (Froid). Les textes sont formels, l’évolution de la maladie sera rapide et mortelle.

Ce que le praticien ignore bien souvent est le fait que l’influence de ces énergies climatiques est beaucoup plus agissante que les énergies saisonnières et peuvent se révéler très bénéfiques ou délétères pour le patient sans que le praticien ne sache pourquoi et à quel moment de l’année.

Un second exemple : Une personne présentant depuis des années des pathologies de vide de Feu verra ses symptômes spontanément (temporairement) disparaître, sans traitement de médecine traditionnelle chinoise. Du 21 janvier au 20 juillet, la personne se sentira mieux et constatera une diminution de ses symptômes, sans raison apparente et sans aucun rapport avec les saisons… car sur la première partie de l’année climatique, l’énergie maitre de l’année est une énergie Shao Yin venant compenser le vide de Feu. Cependant, au-delà du 20 juillet, ceux-ci seront à nouveau présents et la situation se dégradera à nouveau… sans raison apparente sauf à introduire, dans le raisonnement, l’influence de ces énergies célestes et terrestres.

Nous venons de voir, au travers de ces deux exemples, très simples, que l’état énergétique d’une personne peut être influencé fortement, dans le sens de l’amélioration ou de la détérioration, à n’importe quel moment de l’année et indépendamment de la saison. En effet, ces énergies climatiques trouvent leurs sources et leurs puissances au ciel et sont, n’en doutez pas, bien plus puissantes et agissantes qu’une énergie saisonnière trouvant sa force sur terre.

L’ordre d’arrivée de ces énergies célestes varie chaque année. Pour compléter le tableau, la terre « émet » aussi six énergies mais pas au même rythme et dans le même ordre que le ciel. L’homme se retrouve ainsi pris entre trois types d’énergies classées des plus agissantes au moins agissantes que sont : les énergies célestes, terrestres, saisonnières (printemps, été, …). Ces énergies vont définir le climat intérieur des personnes. A titre d’exemple, l’année climatique 2019 commençant au 20 janvier 2019, peut-être vue sous les trois aspects suivants (ce ne sont pas les seuls).

L’année climatique 2019 présentera un mouvement « Terre Yin ». C’est-à-dire que ce mouvement Terre Yin aura tendance à augmenter la qualité Terre chez tous les patients. La conséquence sera immédiate :

  • Si une personne présente un déséquilibre Terre en plénitude, elle verra ses symptômes s’aggraver quel que soit la saison.
  • Si une personne présente un déséquilibre Terre en vide, elle verra ses symptômes s’améliorer quelle que soit la saison.

Les six premiers mois de l’année (20/01/2019 au 20/07/2019) verront une énergie Jue Yin s’inviter dans l’homme et sera modulée par les énergies Tae Yang et Chao Yin respectivement à partir du 21/01/2019 et 20/03/2019.

Les six derniers mois de l’année (21/07/2019 au 20/01/2020) verront une énergie Shao Yang s’inviter dans l’homme et sera modulée par les énergies Tae Yin & Yang Ming respectivement à partie du 21/07/2019 et du 21/11/2019.

Le lecteur aura compris que la connaissance de ces cycles permet d’anticiper davantage la survenance, apparemment non expliquée de déséquilibres importants et leurs méconnaissances peut entraîner des erreurs de diagnostics énergétiques importantes.

La météorologie dans la nature (climatologie externe)

Les quelques siècles nécessaires aux chinois pour construire ce modèle leur ont permis de vérifier que non seulement, il était possible de décrire les climats et leurs influences dans l’homme mais aussi à l’extérieur de l’homme… dans la nature. 

Cette connaissance est très importante pour déterminer comment sera l’été, sera-t-il chaud, caniculaire, avec du vent ? Le printemps sera-t-il sec et amènera-t-il la famine en été ? L’hiver sera-t-il froid ou tempéré auquel cas les animaux nuisibles ne seront pas tués par le froid et mangeront les réserves de grains ? Le besoin de connaitre « le temps qu’il fera » est d’une utilité de premier ordre pour l’Empereur. 

Sans entrer dans les détails, nous pouvons avancer que l’année 2019 sera venteuse les six premiers mois de l’année à laquelle s’ajoutera :

  • Un temps sec du 20/01 au 20/03
  • Un temps froid du 21/03 au 21/05
  • Un été venteux du 22/05 au 20/07

Une chaleur importante les six derniers mois de l’année à laquelle s’ajoutera :

  • Une chaleur importante du 21/07 au 20/09
  • Un automne chaleur humidité du 21/09 au 20/11
  • Un hiver clément du 21/11 au 20/01/2010

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, cette partie très peu explorée de la MTC est d’une efficacité qui n’est plus à démontrer et d’une très grande aide dans l’établissement d’un bilan énergétique. J’invite le lecteur curieux à relire le chapitre 71 du Su Wen où les anciens Chinois ont pris le temps de détailler (en partie) l’influence de ces cycles dans l’homme et la nature.

Source : © Laura Lègue 2019


[1]Huangdi Nei Jing Su Wen : Chap. 26

[2]Tae yang, shao yang, yang ming, tae yin, shao yin et jue yin

[3]Lever, coucher du soleil, nombre de lunaisons, durée du jour, nombres de comètes et même le nombre de tâches solaires 

[4]« Les neufs chapitres, le classique mathématique de la chine ancienne » de Karine Chemla (Directrice de recherche CNRS) & Guo Shuchun, Ed. Dunod

[5]La précision obtenue par l’astronome Su Song et sa célèbre Horloge à eau était de 0,864 secondes par jour soit 4 minutes et 52 secondes de retard par an

[6]Gustav Schlegel (1840 – 1903), Professeur de langue et littérature chinoise à l’université de Leyde (Pays-Bas)